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                                                                 Des filets fixés sur le barrage en bois permettent de piéger les poissons.




 "Le Canal des étangs du Médoc" de Claude Courau- Extrait pages 101 à 111



Avant le creusement du canal, le Porge était connu pour ses pêcheries installées dans les marais  qui séparaient le village des dunes.

Depuis très longtemps les habitants de Lacanau et de Carcans reprochaient à ces pêcheries d’être des obstacles à l’écoulement des eaux vers le Bassin d’Arcachon.

Malgré les dénégations des porgeais, l’hostilité des populations canaulaises et carcannaises ne fit qu’augmenter. Cela entraîna un important conflit qui ne s’arrêtera qu’avec le creusement du canal.

C’est dans les archives de la commune du Porge, consultées grâce à la bienveillance du maire monsieur Alain DEYRES que j’ai trouvé un échange de courrier qui nous montre la gravité de ce conflit.


Voici donc :


Les pêcheries du Porge

Extrait du registre des délibérations de l’administration centrale du département de la Gironde

séance du 28 ventose an 8 de la République

Destruction des pêcheries du Porge


Vu la pétition de l’agent, et de l’adjoint municipal de la commune de Lacanau canton de Castelnau, lesquels exposent au nom de leurs concitoyens, que les habitants de la commune du Porge ont établi des pêcheries qui traversent entièrement le dit étang par le moyen de digues batardeaux construites en mattes de terre de manière qu’elles arrêtent le cours des eaux qui ont leur pente vers le Bassin d’Arcachon, les font refluer sur une immense quantité de terrain riverain de l’étang, inondent récoltes, submergent leurs pacages, y laissent un limon qui empoisonne leur bétail, infecte l’air et y occasionne des maladies fréquentes.

En conséquence ils demandent l’exécution de l’arrêt du Directoire Exécutif concernant le libre cours des eaux.

Vu une note capitulaire, retenue par BONNET notaire à Castelnau le 10 février 1788 par lequel les habitants de Lacanau nomment un syndic à l’effet de poursuivre les propriétaires des pêcheries du Porge savant les tribunaux pour obtenir la destruction des dites pêcheries.

Vu une délibération de l’administration municipale du canton de Saint Laurent du 5 ventose An 7 de laquelle il résulte que le salut et la fortune de la majeure des habitants des landes exigent la destruction des pêcheries du Porge et de Lège.

Vu le rapport fait par l’ingénieur en chef le 1er frimaire An 8 portant que les plaintes portées par les habitants des communes situées le long du grand étang sont fondées, attendu que toutes les possessions qui bordent qui bordent le grand étang sont successivement sous les eaux, soit par leur refoulement occasionné par les dunes, soit par l’effet des dunes construites par quelques habitants du Porge pour la pêche des poissons.

Vu divers contrats, soit de vente soit d échange soit de lots de partage au nombre de trente parmi lesquels est un seul titre primitif consenti le 5 mai 1782 par le Seigneur en faveur d’Antoine « D’AYRES » portant autorisation de construire une pêcherie sur le grand étang, les dits contrats et titres remis au secrétariat de la municipalité de Castelnau par les propriétaires de pêcheries.

Vu enfin l’arrêté du Directoire exécutif du 19 ventose An 6 contenant des mesures pour assurer le libre cours des rivières et canaux navigables et flottables.

L’administration centrale du département de la Gironde.

Considérant qu’il résulte du rapport de l’ingénieur en chef que les pêcheries établies par les habitants du Porge sur l’étang situé sur la dite commune, sont une des causes de tous les maux dont se plaignent les pétitionnaires.

Considérant que l’intérêt de l’agriculture, la salubrité de l’air exigent impérieusement leur destruction

Considérant que les titres présentés par les jouissants de ces pêcheries ne peuvent être considérés comme titres de propriété réelle, qu’ils auraient dû présenter le titre primitif pour pouvoir juger s’ils ne sont pas des concessions féodales abolies, que si même ils pourraient être considérés comme titre de propriété, la manière dont les pêcheries devaient être établies n’y est pas précisée, qu’il est à présumer que les habitants des communes du Porge et de Lège ne pouvaient les construire que de manière dont sont établies celles de Lacanau, Hourtin et Carcans.

Considérant que les habitants du Porge pourront retirer à peu de chose prés le même produit des pêcheries, sans porter aucun tort aux propriétés riveraines du grand étang en établissant leurs pêcheries sur les bords de l’étang ainsi que le font les propriétaires des autres communes.


Arrête, ouï le commissaire du Gouvernement.


Art - 1er

Les propriétaires des pêcheries établies dans la commune du Porge et Lège perpendiculairement au cours des eaux, sont tenus de les détruire dans le délai d’un mois à compter du jour de la publication.


Art - 2

Passé le délai prescrit par l’article précédent, la destruction n’étant pas opérée par les propriétaires sera faite à leur prix et à la diligence du Commissaire prés la présente administration.


Art - 3

Les propriétaires des dites pêcheries qui désireront en établir le long de l’étang, seront tenus d’en faire la demande devant l’administration de leur canton (le Maire de la commune) qui transmettra leur déclaration à l’administration centrale (au Préfet) qui sur le rapport de l’ingénieur en chef fixera la manière dont elles devront être faites, et le lieu où elles seront établies.


Art - 4

Le présent sera transmis au Ministre de l’Intérieur et aux administrations municipales de Castelnau, de Saint Laurent, Saint Vivien et de La Teste.


Pour expédition conforme.

Le Secrétaire Général de la Préfecture.

A. DUCLAUX




Préfecture de la Gironde

Extrait des registres des arrêtés de la préfecture de la Gironde

du 29 mars 1811

Le préfet de la Gironde, Baron de l’Empire


Vu l’arrêté pris par l’administration centrale de la Gironde le 28 ventose an 8, approuvé par S.E le ministre de l’Intérieur le 14 floréal suivant :

Vu la lettre de monsieur le sous-préfet de Lesparre du 23 courant, ensemble un procès verbal dressé par monsieur le Maire de Lacanau le 6 de ce mois, constatons qu’au mépris des dispositions prescrites par l’arrêté précité, des pêcheries ont été rétablies dans l’étang du Porge et que les eaux retenues par ces établissements restent stagnantes, détruisant les récoltes, corrompant l’air et peuvent occasionner des épidémies.

Considérant qu’il est urgent de réprimer avec sévérité et sur le champ des entreprises qui rendent sans effet les ordres de l’administration et compromettant l’intérêt public.


ARRETE :

Messieurs les maires de Lacanau et de Carcans, sont nommés commissaires et se transporteront sur le champs dans la commune du Porge, ils inspecteront conjointement avec le Maire de cette commune toute l’étendue de l’étang feront détruire sans désemparer aux frais de qui il appartiendra les pêcheries établies en contravention de l’arrêté du 22 nivose An 10 et feront généralement enlever tout établissements tendant à retenir les eaux ou a en détourner le cours.


Art- 2

Messieurs les maires dresseront conjointement des procès verbaux de cette opération et feront connaitre autant que possible les noms et demeures des contrevenants. Ces procès verbaux nous seront immédiatement adressés pour être statué, ce qui appartiendra sur l’avis de monsieur le sous-préfet de Lesparre.


Art- 3

Il est défendu à qui que ce soit, de troubler les commissaires dans leur mission et de s’opposer à la destruction des pêcheries. il est adjoint à la gendarmerie et aux gardes champêtres  de les assister dans cette opération s’ils sont requis.


Art- 4

Monsieur le maire du Porge reste particulièrement chargé de faire détruire à l’avenir dans les vingt-quatre heures toutes les pêcheries rétablies en contravention des présentes dispositions, dans le cas contraire il y sera pourvu à ses frais par la Commissaire délégué à l’article premier.


Art-5

Expédition du présent arrêté  sera transmise à monsieur le sous-Préfet de Lesparre chargé d’en surveiller l’exécution et aux commissaires afin qu’ils s’y conforment.


Fait le s jours, mois et an susdits

Pour le préfet en tournée

Le conseiller en Préfecture

Signé : Barenne




Lettre du maire du Porge au Préfet


Monsieur le Préfet,

Les habitants de la commune du Porge ont l’honneur de vous soumettre quelques observations sur un objet qui les intéresse au plus haut degré. Les eaux provenant du versant occidental des landes arrêtées par les dunes de sable forment dans les communes de Carcans, Lacanau, Lège etc…une suite d’étangs qui se déchargent les uns dans les autres, dans la direction du nord au sud écoulent leurs eaux dan sel Bassin d’Arcachon.

La pêche de  ces étangs est de temps immémorial l’une des principales industries de ces populations. Les habitants de la commune de Lacanau ont récemment prétendu, que les travaux exécutés dans les étangs du Porge, pour faciliter la pêche avaient gêné l’écoulement des eaux de leurs propres étangs, et occasionné un débordement qui couvrirait une partie des terrains de leur commune.

Ils ont adressé leurs plaintes à ce sujet à l’autorité administrative. Les soussignés ont appris que vous les menaciez d’envoyer des  ingénieurs et des ouvriers pour détruire les travaux pratiqués dans leurs étangs. C’est pour prévenir ce malheur qui ruinerait leurs moyens d’existence que les habitants du Porge s’adressent à vous monsieur le Préfet.

Et d’abord les soussignés pensent que la mesure dont on les menace excéderait les bornes de la compétence administrative. Quelques mots sur ce point.

Les étangs sont une propriété privée, divisée entre les habitants, comme tout autre immeuble, et dont chaque lot possédés de temps immémorial et se transmet de père en fils par voie de succession ou s’aliène au profit d’autres habitants par voie de vente et de change. Les limites de chaque lot sont aussi bien définies sur les étangs qu’elles le seraient sur un héritage ordinaire. La pêche se pratique ainsi :

Des canaux de 12 pieds de largeur environ ont été creusé dans le lit même des étangs, les terres en provenant jetées sur les côtés  des canaux forment des digues qui sillonnent toute la surface de l ‘étang, à l’extrémité de chacun de ces canaux qui forment le lot de chacun des habitants, sont placés des filets retenus par des pieux et dans lesquels le poisson se trouve pris en passant d’un canal dans l’autre. Il résulte de ces données que les étangs ont tous le caractère d’une propriété privée et de plus qu’ils ne sont pas un cours d’eau. Or les travaux fait sur une rivière non navigable ne sont pas de la compétence administrative. Nous présentons une décision qui s’applique parfaitement à l’espèce.

C’est un décret du 12 avril 1812 (DUVERGNES tomme 18 page 219)


«  Vu la requête du sieur ROGRE tendant à ce qu’il vous plaise annuler un arrêté du préfet du Cantal du 30 mai 1811, qui sur la plainte de plusieurs riverains et sur le rapport de l ‘ingénieur ordinaire et de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, ordonne la démolition d’un digue que le dit ROGRE a construite à travers la rivière de Cère et qui forme barrage permanent pour la pêche de la dite rivière.

Considérant que la dite rivière de Cère n’est pas navigable ; que par l’avis de notre conseil d’état, la pêche des rivières non navigables appartient aux propriétaires riverains, que l’avis de notre Conseil d’Etat, du 24 ventose an 12, les contraventions aux règlements de police sur les rivières non navigables, canaux et autres petits cours d’eau doivent selon les dispositions de code civil et les lois existantes être portées, suivant leur nature devant les tribunaux de police municipale ou correctionnelle, et les contestations qui intéressent les propriétaires devant les tribunaux civils etc… » ;

Ainsi en supposant que les étangs fussent une propriété communale, comme ils sont innavigables, ils échappent à la juridiction administrative et à plus forte raison s’ils constituent une propriété privée. Les habitants de Lacanau auraient une action à faire devant les tribunaux civils en destruction des ouvrages dont ils se plaignent, et en dommages et intérêts. Voilà tout leur droit.

Au surplus et en fait les griefs des habitants de Lacanau ne sont pas fondés. ils prétendent que les digues bordant les nombreux canaux qui sillonnent les étangs, arrêtent l’écoulement des eaux. D’abord les digues existent aujourd’hui, telles qu’elles ont existé de tout temps ; ce n’est donc pas un fait récent. Ensuite elles sont toutes disposées dans la direction du nord au sud, c’est à dire dans la direction que suivent les eaux pour s’écouler vers le Bassin d’Arcachon.

Cependant il est exact de dire qu’à l’extrémité sud des étangs il y a quelques digues transversales, dans la direction du levant au couchant, mais elles sont ouvertes par de nombreuses coupures pour laisser échapper l’eau et la preuve qu’elles n’en arrêtent pas l’écoulement, c’est que le niveau des eaux n’est pas plus élevé en dedans des digues du coté nord qu’en dehors côté sud.

La cause des dommages dont se plaignez les habitants de Lacanau est visible à tous les yeux. Les dunes avancent rapidement vers l’intérieur des terres, à mesures qu’elles marchent elles déplacent l’eau des étangs, et la refoulent sur les terres voisines. Une circonstance malheureuse vient aggraver le désastre. Ainsi, tandis que les étangs du Porge ont une pente de 15 pieds jusqu’au Bassin d’Arcachon, les étangs de Lacanau rencontrent une surface presque entièrement plate pour écouler les eaux jusqu’aux étangs du Porge.



De là résulte la stagnation d’une grande masse d’eau, dont le lit comblé par le sable des dunes se déplace au grand détriment des propriétés riveraines. Ainsi les digues et canaux qui ont existé à toute époque sur les étangs du Porge ne sont pas la cause des débordements qui se sont manifestés dans les dernier temps. Au surplus les étangs de Lacanau sont canalisés comme ceux du Porge, de même ceux de Carcans, de Lège etc…

Comment nos voisins pourraient ils nous interdire de faire ce qu’ils font eux même ? Nos droits sont aussi anciennement acquis que ceux dont ils jouissent.

Dans ces circonstances les soussignés espèrent monsieur le Préfet que vous ne prendrez aucune mesure qui puissent préjudicier à leurs droits, et porter atteinte à leur propriété. Dans tous les cas la destruction de leurs pêcheries ne pourrait avoir lieu qu’après une décision rendue après expertise, et sur un débat où toutes les parties pourront faire valoir leurs droits.



Saccage des pêcheries du Porge


Pendant des années les porgeais, Maire en tête, défendirent les pêcheries, mais les 24 et 26 janvier 1840 une grosse expédition comprenant plusieurs centaines d’hommes saccage l’ensemble des pêcheries du Porge. Le 29 janvier, monsieur le Maire du Porge adresse la lettre suivante au préfet.


Monsieur le Préfet,

Je viens vous écrire un compte douloureux de la destruction des pêcheries du Porge. Lorsque les hommes intéressés et passionnés sont chargés de l’exécution d’une mesure, le résultat est déplorable. C’est ce qui vient de se passer ici.

Le Maire de Lacanau et le Maire de Carcans, possesseurs d’étangs dans leurs communes ont demandé et obtenu la destruction de ceux du Porge, ils l’ont faite exécuter avec acharnement.

Le conducteur des Ponts et Chaussés qui les accompagnait, employé très secondaire de son administration, s’est laissé facilement circonvenir. Il n’avait pas leur intérêt et cependant il a partagé leur haine.

Les 25 et 26 du courant, trois ou quatre cents hommes conduits par le sieur DUFOUR Maire de Carcans, le sieur BIROT adjoint au maire de Lacanau et le sieur DONIKWKI employé des Ponts et Chaussées, poussant des cris de victoire, proférant des injures et des provocations, sont arrivés dans l’étang du Porge et y ont détruit toutes les pêcheries. ils s’étaient attachés à défaire plutôt les lignes où se prenait le poisson qu’à détruire les grandes berges qui offrent le plus d’obstacles à l’écoulement des eaux.

Cette fureur de destruction, qui guidait, que guidait un motif d’intérêt personnel se montre surtout dans les deux faits suivants.

Le sieur SAUTS de cette commune possède une pêcherie au lieu de Lesquirot commune Lacanau. Elle était disposée de manière à ne pas gêner l’écoulement des eaux, c’était de notoriété publique. D’ailleurs elle était dans Lacanau. Eh bien le sieur DUFOUR en présence du conducteur des Ponts et Chaussées la faite détruire complètement.

Le sieur DIGNAU possède une pêcherie dans l’étang du Porge, au lieu de la passe de Guillem, le 24 janvier le conducteur reconnait qu’elle était dans les dispositions prescrites et devait être respectée. Le 26 janvier le sieur BIROT, adjoint de Lacanau envoyé par le Maire la fit renverser de fond en comble. Dans ces oeuvres de destruction tout a été violence, tout a été injustice.

On a employé trois à quatre cents hommes pendant 2 jours que l’on a eu soin d’échauffer et de stimuler dans les cabarets et tout ce qu’ils ont fait, aurait pu être exécuté par vingt hommes paisibles et de sang froid. Ainsi plus de vingt familles qui dans la saison rigoureuse vivaient de la pêche se trouvent sans pain.

Voilà les trophées glorieux de cette espèce d’armée qui est venue fondre avec violence sur la commune du Porge ayant en tête deux fonctionnaires publics.

Aucune opposition n’a été faite par les propriétaires des pêcheries, pas plus cette fois que lorsque le conducteur des Ponts et Chaussées y est venu au commencement du mois.

Il a pris des observations, prévu une résistance formelle. Il fallait bien d’ailleurs que l’on alléguât une résistance pour mieux assurer un résultat depuis si longtemps motivé.

Je déplore monsieur le Préfet, que vous ne connaissiez pas ce point du département confié à votre administration. Vous n’auriez pas utilisé la mesure qui a été si brutalement exécutée.

On a fait valoir auprès de vous, des motifs d’intérêt public, on vous représenté les communes de Lacanau, Carcans et Hourtin inondées par les eaux qui retenaient les pêcheries des pêcheurs du Porge.

Maintenant qu’elles sont détruites, que les eaux doivent mieux s’écouler, je vous prie d’envoyer un ingénieur pour constater si les eaux ne sont pas aussi élevées qu’auparavant.

Je suis certain que l’on ne connaîtra aucun changement.

Ainsi vous jugerez de l’utilité de la dévastation opérée.

Les Maires de Carcans et de Lacanau menacent encore les individus dont ils ont ravagé les propriétés, de leur faire payer les journées de cette luxuriante quantité d’ouvriers qui leur servait d’escorte et à qui ils ont promis de larges récompenses.

Je réclame de votre justice de vouloir bien examiner de nouveau cette affaire et ses tristes résultats avant d’ordonnancer le rôle qui vous sera présenté.

J’ose dire monsieur le Préfet, la destruction dont les habitants du Porge viennent d’être la victime est en opposition avec les habitudes bienveillantes de votre administration, je dis plus elle blesse le droit de propriété.

Par votre lettre du 22 juin vous m’avez écrit que les ingénieurs avaient reconnu que l’état qui a exigé les réclamations, doit être attribué moins aux pêcheries existantes, qu’à l’insuffisance des voies d’écoulement et à l’imperfection de celles qui reçoivent les eaux puis vous promettiez de prendre des mesures pour le récurage des canaux.

Au 22 juin, vous reconnaissiez donc d’après les ingénieurs seuls compétents en cette matière, que les pêcheries ne nuisaient pas à l’écoulement des eaux. Comment ce fait-il donc qu’en janvier 1840, on détruise ces mêmes pêcheries, parce qu’elles retiennent les eaux ? Les assertions des Maires de Carcans et de Lacanau ont prévalu sur l’avis des ingénieurs.

Si les grands canaux de dégorgement n’ont pas été récurés, c’est que ce récurement n’a pas été ordonné. Ces canaux sont dans le domaine public, les habitants du Porge auraient volontiers concouru à ce récurement. Ils ne pouvaient le faire seuls. Quant à la question de propriété, il ne faut pas être périconsulte pour la décider. Les pêcheries du Porge sont des propriétés privées, ce droit de propriété résulte de titres géminés. Elles sont cadastrées, chaque propriétaire en paye l’impôt. Si les établissements faits dans ces pêcheries pour tendre les filets nuisent à des tiers c’est devant les tribunaux que la contestation devrait être portée. C’est la marche rationnelle. C’est le droit commun.

On a préféré invoquer une mesure administrative parce qu’elle est plus expéditive et en effet l’événement à prouvé que si elle n’est pas la plus juste, elle est la plus prompte et la plus désastreuse lorsque l’exécution en est confié aux personnes intéressées et à des employés subalternes.

Les maires des communes de Carcans, Lacanau et leurs administrés possèdent des pêcheries dont ils vont maintenant vendre le poisson plus cher et les habitants de Porge ne pourront vendre le leur. Ainsi un privilège serait consacré, mais tout privilèges est odieux de nos jours, il est proscrit par la charte.

Si maintenant vous n’ordonnez pas quelques mesures réparatrices, à quelle autorité les habitants du Porge auront ils recours ? Feront ils retentir la presse de leurs justes plaintes, c’est un moyen que nos institutions consacrent mais auquel on n’a recours que lorsque l’autorité est hostile. Ce n’est pas un magistrat aussi éclairé que vous, monsieur le Préfet, qui repousserait une demande juste qui respecterait une réparation méritée.


Le Porge le 29 janvier 1840


Les pêcheries

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R E T O U R