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R E T O U R

Extrait Chapitre VII "Les dunes ou Sylvia Maria" de J.-F.-XAVIER MOULS


Le pin maritime vient dans presque tous les terrains légers et dans les sables même les plus arides. Parmi les éléments qui concourent le plus activement à sa végétation, et surtout à la formation de sa sève, on remarque d'abord l'humidité (ou l'eau et la chaleur) qui me semble, dit le savant abbé Senebier, nécessaire à la dilatation des vaisseaux et des fluides qu'ils contiennent.


La chaleur de la terre étant toujours plus grande que celle de l'air, c'est probablement cette chaleur qui entretient celle de l'arbre : voilà pourquoi il peut être imprudent d'enlever la mousse et les feuilles répandues sur la surface du sol, dans les pinières.

Il résulte d'expériences que les racines du pin ont, comme celles de tous les arbres, la faculté de pomper l'eau dans leur voisinage, pour la transmettre par leurs vaisseaux lymphatiques jusqu'au sommet de l'arbre, et que les tiges, les branches et les feuilles, qui vivent dans une atmosphère où il y a toujours plus ou moins d'eau, ont également la faculté d'attirer l'eau dans laquelle on les fait plonger. De plus, il parait que les feuilles rendent par l'évaporation, une partie de l'eau qu'elles reçoivent des racines, qu'une partie de celle qui y reste se décompose et donne à l'arbre une autre nourriture dans ses éléments. Mais, la nuit, les feuilles ne peuvent rendre aucune eau, puisqu'il n'y a pas d'évaporation. Il est vraisemblable alors que l'eau tirée par les feuilles reflue vers les racines et y trouve un moyen pour s'échapper par une espèce d'attraction du sol. Ainsi, il faut reconnaître la sève ascendante et la sève descendante. La première aurait lieu principalement le jour, et la seconde, sans aucun doute, pendant la nuit.


Il faut donc induire de ce qui précède que les pays boisés sont plus sains parce qu'ils sont moins humides ; Qu'il ne faut pas élaguer les branches du pin, non-seulement parce qu'elles contribuent, pour leur part, à l'assainissement au sol, mais surtout parce que leur but essentiel étant d'absorber et d'élaborer, au moyen des feuilles, les sucs aqueux ou séveux de l'arbre, la lymphe ou sève est d'autant moins abondante que les feuilles et branches sont moins nombreuses, et le pin prend d'autant moins d'accroissement que la circulation de la sève est moins active. Cet élagage est surtout nuisible quand il est pratiqué à un âge où le pin ne forme plus de nouvelles branches, c'est à-dire vers l'âge de trente ans. 


La sève est mise en mouvement par le soleil ou la lumière qui contribue non-seulement à l'évaporation, par les feuilles, des sucs aqueux contenus dans les végétaux, mais qui agit encore sur ceux-ci comme un corps échauffant ; et l'on doit croire, d'après les expériences du comte Morozzo et d'Ingenhous, qu'elle influe sur leur couleur, principalement par son action combinée avec la résine qu'ils contiennent tous en plus ou moins grande quantité, c'est-à-dire par son affinité avec l'oxygène qu'elle arrache à l'air fixe, pour élaborer cette matière résineuse. C'est au moins alors qu'elle verdit les feuilles des tiges.


Ainsi, les feuilles des arbres seraient d'autant plus vertes, que l'arbre lui-même contiendrait plus de liqueur résineuse. Or, le pin, contenant plus de résine que les autres végétaux,  doit peut-être à cette propriété de conserver son feuillage toujours vert. Et, chose remarquable, mais que je ne recherche point à expliquer, la beauté du feuillage dans les pins me paraît être en raison directe de la fluidité de leur résine. Ainsi, le suc résineux du pin maritime, dont le feuillage d'un vert presque noir, est d'un aspect si triste que les anciens l'avait pris pour emblème des sombres pensées, contient beaucoup moins de parties volatiles que la résine du pin du Nord, par exemple, ou bien encore du pin du Lord ou pin blanc d'Amérique, dont l'aspect est beaucoup plus grâcieux et plus riant.[…]


Mais s'il n'est pas donné à notre intelligence de pénétrer ce mystérieux travail de la nature, elle peut, elle doit même rechercher les avantages que l'homme peut en retirer. En effet, dans la nature, rien n'existe sans un but d'utilité, et il est évident que si la Providence, au lieu de donner au pin la force et la durée du chêne, lui a donné une végétation plus prompte et l'a rendu en outre dépositaire de produits résineux, elle a dû, dans sa profonde sagesse, en agir ainsi pour notre plus grand intérêt. Et en considérant de quelle immense utilité est la résine dans les sciences, dans les arts et dans mille circonstances de la vie usuelle, je suis très porté à croire que le pin est destiné à fournir des produits en résine autant que des produits en bois. Cette double destination en fait l'arbre le plus utile et le plus productif de la création ; et on ne saurait lui accorder trop de soins, ni trop étudier toutes les ressources qu'il peut présenter.

 

1 Cet arbre est cultivé en Provence, en Bretagne, dans le Maine, dans l'Orléanais, à Tortose, en Espagne et à la Louisiane.

2 Les feuilles du pin sont monoïques ; elles tombent à la 3me année. Il est fertile à 12 ou 15 ans.  

Etude de physiologie pratique sur le pin maritime